vendredi 2 août 2013

Le Point.fr - Publié le 

L'homme d'affaires controversé continue de payer les amendes des femmes voilées et se lance dans la campagne présidentielle algérienne. Il est partout sans être nulle part.

Rachid Nekkaz, le 22 juin 2011 à Lille.
Rachid Nekkaz, le 22 juin 2011 à Lille. © DENIS CHARLET / AFP
Nous avions rencontré Rachid Nekkaz il y a six ans, il était alors candidat à l'élection présidentielle, avait sillonné la France pour recueillir 517 promesses de signatures d'élus, ruraux pour la plupart. Il devait être le premier candidat d'origine maghrébine à se présenter au premier tour d'une élection présidentielle française. Il aurait seulement aimé l'être. Les promesses ne se sont pas transformées en soutien. "J'ai ouvert ma g... trop vite et l'UMP a fait pression sur les maires", dénonce-t-il. 
Aujourd'hui, il nous reçoit dans le très chic 16e arrondissementparisien où il a installé les bureaux de son association Touche pas à ma Constitution. L'homme qui a fait fortune au début des années 2000 en s'engouffrant dans la bulle internet baigne encore dans la politique (spectacle). On l'a connu achetant un terrain en Auvergne pour l'offrir aux Roms, allant en Chine rendre visite à des prisonniers politiques ouïghours (la minorité musulmane persécutée), proposant ses services au Quai d'Orsay pour libérer des otages français au Mali... Aucun doute, Rachid Nekkaz aime toujours le bruit des fanfares et des trompettes. 

Séduire la jeunesse algérienne

Pour en parler, il s'installe sous une affiche barrée d'un drapeau algérien : "Rachid Nekkaz président". L'homme d'affaires a décidé de porter ses ambitions dans le pays d'origine de ses parents en se présentant à l'élection présidentielle algérienne d'avril 2014. "La France ne me fait plus rêver, mais pire que cela, comme des millions d'autres Français de seconde zone, je ne crois plus en la France ni à son modèle d'intégration républicain fondé en théorie sur l'égalité des chances, mais qui en réalité repose sur l'esprit de corps", avance-t-il. Pour y parvenir, il a demandé la déchéance de sa nationalité française. "Certains peuvent considérer cette décision comme un caprice ou un "coup médiatique". Ou tout simplement comme une folie à une époque où des milliers d'étrangers risquent leur vie dans des embarcations de fortune pour goûter aux miettes de l'eldorado occidental. Il faut mourir nationalement pour susciter l'intérêt ou la réflexion", dit-il. 
Il a lancé sa campagne le 3 juin dernier à la frontière algéro-marocaine, "devant 11 4x4 de l'armée", assure-t-il. La vidéo postée sur Youtube n'affiche aucune image des militaires, juste un gros plan de celui qui promet "le changement". Rachid Nekkaz "joue à fond la carte des réseaux sociaux" pour séduire la jeunesse. Il veut construire un programme collaboratif, "lance des idées et voit comment ça réagit". Son nom circule sur des sites d'information algériens qui le présentent comme un "défenseur des minorités", "un sauveur des mosquées françaises". On le voit sur des photos le sourire assuré, la crinière grise domptée, un liasse de billets à la main, ou encore dans la rue en compagnie d'une femme entièrement voilée. Sa croisade contre la loi interdisant le port du voile intégral reste sa meilleure carte de visite. Il le sait. 

Le CFCM, une "escroquerie morale"

Depuis l'adoption de la loi en avril 2011, l'homme d'affaires a créé un fonds d'un million d'euros pour payer - en France et en Belgique - les amendes des femmes verbalisées sur la voie publique. Il dit avoir déboursé 120 000 euros dans cette affaire et avoir payé 653 contraventions sur les 661 dressées. En retour, il demande à ces femmes de lui envoyer un courrier s'engageant à ne pas faire preuve de violence envers les policiers. Par souci de provocation, il continuera à régler ses sanctions financières uniquement à la trésorerie de Trappes et d'Évry, la ville de Manuel Valls. 
Pour que les choses soient claires, Rachid Nekkaz répète à l'envi qu'il est opposé au niqab, mais qu'il défend "la liberté pour les femmes de le porter ou non". Pour preuve, argumente ce musulman pratiquant (il observe le jeûne et ne fait pas la prière), sa compagne, Cécile, une Franco-Américaine, est catholique. Sa démarche aurait pour objectif de marginaliser les radicaux, ces "cinglés" à qui il ne veut pas laisser la gestion de l'islam. Il tire à boulets rouges sur le Conseil français du culte musulman, "cette escroquerie morale", et sur le gouvernement qui avec "le RSA autonomise l'islam radical en France". "Il faut, dit-il, annuler l'interdiction de porter le niqab dans les espaces publics ouverts, sinon, dans les mois à venir on va être confrontés aux mêmes débordements qu'à Trappes."
Rachid Nekkaz n'est pas tendre non plus avec ces élus issus de la diversité - Malek Boutih, Razzye Hamadi. "Ils ne servent à rien", argue celui qui n'a pas réussi à mobiliser les électeurs (5,15 %) aux municipales d'Orly, dans le Val-de-Marne en 2008. Le PS qu'il dénigre, Rachid Nekkaz y a eu sa carte. "Ils sont gentils, mais à côté de la plaque", balance-t-il. "Le côté m'as-tu-vu à la Bernard Tapie, nous n'avons pas besoin de ça au PS", rétorque un dirigeant du parti. "La vérité c'est qu'ils ont les boules qu'un Arabe qui s'est enrichi autrement que par le deal ait pu leur offrir une aide financière." En 2009, en pleine primaire, il propose un prêt sur cinquante ans au PS qui demande un euro à chaque votant pour financer la campagne. Il finit par convoquer la presse rue de Solférino à Paris, et déverse 10 000 pièces d'un euro devant le siège du Parti. Il promettra aussi un chèque de 50 000 euros pour participer à la libération sous caution de DSK.

Épine judiciaire 

Son "fric" lui vaudrait aujourd'hui d'être "une cible facile". Lui qui a investi sa fortune dans l'immobilier est soupçonné d'être un marchand de sommeil. Il est visé par une plainte déposée en mai dernier par la mairie de Choisy-le-Roi pour "infraction au code de l'urbanisme, mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires" après l'incendie dans l'un des appartements d'un pavillon transformé qu"il possède dans le quartier résidentiel de la ville. 
Une maison divisée en quinze appartements dont certains sont situés au sous-sol, "ce qui est interdit par le PLU et la réglementation du PPRI", indique la mairie, qui souligne "n'avoir jamais reçu de demande de modification du lieu de la part de M. Nekkaz". "Il n'y a rien d'illégal, les quinze boîtes aux lettres ne sont pas cachées", se défend le propriétaire qui explique "loger ceux qui n'ont pas accès aux logements sociaux". "Foutaises", répond Bruno Belliot, directeur du cabinet de Daniel Davisse, maire communiste de Choisy-le-Roi. Demandez aux locataires combien ils payent." L'avocat de trois d'entre eux, Me Manuel Raison, évoque "des baux aux clauses abusives" et "des loyers aux tarifs prohibitifs" : 880 euros pour 18 m2. Un prix qui peut varier selon la période de location. Le montant du loyer grimpe à 1 080 euros si elle inférieure à 6 mois, 980 euros si elle est comprise entre 7 et 9 mois et de 930 euros si le locataire occupe l'appartement entre dix et douze mois. Le conseil, qui assigne Rachid Nekkaz pour location illégale, réclame le remboursement des loyers versés. 
Ce n'est pas la seule épine judiciaire dans le pied de Rachid Nekkaz. Il est aussi mis en examen pour corruption après avoir acheté un parrainage d'élu et devrait comparaître à l'automne prochain. Le provocateur est également dans le collimateur de l'administration fiscale. "J'ai subi deux contrôles fiscaux internationaux depuis que je me suis engagé contre la loi sur le port du voile", dit-il. "Ils veulent me cuire à la source en me réclamant 900 000 euros, mais je ne paierai jamais !" assure celui qui s'était présenté le 16 juin dernier à la succession de Jérôme Cahuzac dans la troisième circonscription du Lot-et-Garonne. Il disait alors à nos confrères de La Dépêche vouloir "changer l'image désastreuse de Villeneuve depuis l'affaire Cahuzac en donnant à la circonscription un député à la fois très présent sur la moralité de la chose publique et qui lutte contre la corruption". Il finira dernier du premier tour avec 0 % des voix. Il ne s'était pas déplacé pour aller voter. Qu'importe puisque sa photo était déjà dans le journal.
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