samedi 12 avril 2014

RÉSEAU SOCIAL ET CAMPAGNE ÉLECTORALE : Les candidats meublent la blogosphère

Le nombre de facebookers algériens est estimé à 4,5 millions
 
Le réseau social semble ainsi largement jouer le rôle d'agent «viralisateur» de la campagne.
Facebook est un terrain de chasse immense pour les candidats à la présidence algérienne, qui abattent leurs dernières cartes avant le jour J. Mais également un bon moyen de tester la popularité des candidats et rafler un «max» de voix. La campagne électorale pour l'élection présidentielle oscille entre tradition et 2.0 (génération connectée). Si les meetings classiques, réunions publiques et distribution de tracts et d'affiches dans la rue sont loin d'avoir disparu, les publications sur Facebook sont venues compléter la palette à la disposition des candidats.
Selon des études et des indications, le nombre de facebookers algériens est estimé à 4,5 millions, ce qui peut être considéré comme «la république de Facebook». Cette république représente un gisement électoral relativement important. Devant une telle opportunité de séduire, les six candidats à la présidentielle se sont ainsi implantés sur Facebook. Avant, on spéculait sur les voix des corps constitués (armée, police, Protection civile, Gendarmerie nationale), mais désormais, avec la codification des lois, les donnes ont changé. Partant de ce constat, il serait légitime de se demander que font les six candidats pour exploiter ce gisement. Quels sont les moyens et techniques déployés pour le faire? ou encore la question pertinente: pour qui votera la république Facebook? La campagne électorale de 2014 s'est déployée sur les réseaux sociaux. La place qu'occupe le bébé de Zukerberg dans le quotidien des Algériens, oblige en quelque sorte les candidats en lice à rester connectés. Le modèle inspirant n'est autre que la campagne de 2008 de l'actuel président américain Barack Obama qui avait su mettre le Web à profit pour mobiliser les militants.

La kalachnikov virtuelle
Pour les candidats, il y a des avantages incontestables pour une campagne sur Facebook: d'abord, il peut augmenter la visibilité d'un candidat et de son projet en quelques instants seulement et à un coût faible. Ensuite, l'exposition sur Facebook garantit l'accès des candidats à la génération du millénaire: en Algérie, la tranche d'âge qui utilise le plus ce réseau social, est de moins de 30 ans. Contacté par nos soins, Younès Grar, expert et consultant en TIC, nous a fait savoir que «ces jeunes ne sont pas portés sur les meetings et les rassemblements. Ils préfèrent interagir sur Facebook», ajoutant que «de ce fait, il est donc tout à fait légitime pour les candidats d'exploiter et saisir cette opportunité en menant la campagne sur Facebook». L'expert estime que «Facebook est un outil stratégique et indispensable pour une campagne électorale, si toutefois on le prend au sérieux». Le même expert indique que «Facebook permet également de gérer sa campagne: le nombre de militants «followers» de la page, photos et vidéos de meetings. «C'est aussi conquérir les terrains des autres candidats en se renseignant sur leurs programmes et failles». Il avance un exemple: le problème du chômage: un candidat peut voir ce que l'autre propose pour régler le problème, et du coup, il améliore le sien pour détourner les sympathisants de ce candidat.

Le réseau s'est politisé
Le réseau social semble ainsi largement jouer le rôle d'agent «viralisateur» de la campagne, participant à l'effet de surinformation, voire de saturation ressentie par l'internaute. «Sur Facebook, il y a toujours quelqu'un pour vous parler de la campagne» déclare Amine, un facebooker, qui évoque des «batailles politiques» entre «amis» à coups de «like», de commentaires, de parodies et de détournements. Selon l'expert, la jeunesse algérienne ne regarde pas non plus les émissions et débats politiques sur la télévision, donc les candidats enregistrent leurs discours et les diffusent sur leurs pages respectives, tout en faisant passer des messages.
Outre cela, toujours selon l'expert, Facebook est un moyen pour les candidats en lice de mesurer leur popularité, en constatant les «partages», les «commentaires», ainsi que les «like».

«Geeks»
Le réseau social est considéré depuis quelques années comme le média le plus influent devant la TV, la radio et les quotidiens. Son influence semble plus évidente. Avec les 4,5 millions de facebookers algériens, le réseau offre aux six candidats un moyen formidable de démultiplier leur présence numérique, mais également une aubaine en termes d'électorat. Nous avons constaté à ce jour que l'utilisation de Facebook diffère d'un candidat à un autre, au moment où certains en font une priorité et sont en quelque sorte des «Geeks», d'autres le négligent et restent cloués à l'ère du «Fax». Selon M.Grar, les pages des candidats ne sont pas bien exploitées, voire «traditionnellement exploitées». Il s'agit, au regard de l'expert, d'un manque de spécialistes, notamment en matière de «e-reputation», car il y a des spécialistes qui travaillent à améliorer l'image de la page et de son propriétaire afin de lui procurer plus de «followers». Les deux «majors» candidats, à savoir Abdelaziz Bouteflika et Ali Benflis, ont bien compris l'influence du réseau social et pour séduire les électeurs, ils n'ont pas hésité à dégainer les grands moyens.
Les deux candidats disposent de toute une armada de «Geeks» recrutés spécialement pour assurer l'alimentation et la gestion de leurs pages Facebook respectives.
En termes de flux généré et dynamique propre à chaque candidat, un petit tour sur les pages Facebook officielles des six candidats suffit pour mesurer leur activité «facebookienne». Dans ce sens, nous avons pu constater qu'avec environ une centaine de postes durant la période allant du 1er au 7 avril, le candidat Ali Benflis, reste le plus actif sur le réseau, alors que Abdelaziz Bouteflika n'a posté qu'un peu plus d'une cinquantaine durant la même période. Toutefois, sur le plan «like» et «followers», Abdelaziz Bouteflika est loin devant avec 327.763 fans, quant à Ali Benflis, il a atteint 179.717 fans. Le «benjamin» des candidats, Abdelaziz Belaïd, lui aussi n'a pas raté cette aubaine, en créant sa page Facebook bien alimentée, qui regroupe 17.281 fans. Ces trois candidats sont les plus actifs sur le réseau social. Photos, vidéos, communiqués, informations, sont instantanément postés. Quant aux trois autres candidats «ancienne école», leurs pages semblent désertes et moins attractives. La page de la candidate du PT, Mme Louisa Hanoune, n'a aucun trait à l'élection présidentielle. Sa page est «sous-alimentée» et le peu qui est partagé est de nature «brute». Même constat chez le candidat du FNA, Moussa Touati, sa page est vide et aucune activité depuis octobre 2012, mis à part les posts de certains de ses fans qui sont au nombre de 258, quant à lui, aucune publication. De son côté, Ali Fawzi Rebaïne, aucune trace d'une page Facebook. Le profil au nom de Ali Fawzi Rebaïne est quelquefois alimenté.

Pour qui votera la république de Facebook?
Une petite balade sur Facebook permet facilement de se rendre compte de la température affichée. Parodie, désintéressement, blagues satiriques, le constat est vite fait, tout laisse croire à une abstention. M.Grar nous a livré son verdict d'expert. «Au vu de l'ambiance qui règne sur Facebook, je crois qu'une abstention est plus que probable. La plupart ne vont pas voter. Ils ne sont pas convaincus et disent que le jeu est déjà fait.» Et c'est là le revers de la médaille en quelque sorte. Si la campagne version 2.0 (génération connectée) offre une audience inespérée aux candidats, elle les soumet aux critiques et commentaires parfois désagréables ou contestataires des électeurs. Mais ceux qui aspirent à davantage de démocratie et de transparence ne devraient pas s'en plaindre.

L'expression