jeudi 12 décembre 2013

En campagne, la fin justifie les moyens

Le “truc” osé et réalisé par la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme, avant-hier, à l’hôtel Hilton, est à inscrire dans les annales de cette campagne débridée du gouvernement et de l’administration pour un quatrième mandat.
Des militants des droits humains, des représentants résidents d’organismes étrangers, des participants et des invités de tous horizons, venus contribuer ou assister à une “conférence internationale sur les flux migratoires mixtes”, se sont retrouvés à servir de public à une cérémonie de remise du “Prix national des droits de l’Homme” au président Bouteflika.
L’insolite n’est pas tant dans le fait qu’un président de Commission rattachée à la présidence remette au président de la République une distinction… que le secrétaire général de la Présidence reçoit en son nom !... Le régime nous ayant habitués à cette activité d’autoglorification permanente. Une activité à ce point amplifiée par une médiatisation zélée qu’elle finit par confondre l’activité institutionnelle avec sa fonction promotionnelle. Ainsi, Sellal refait-il le bilan “positif” du Président à chaque “rencontre avec la société civile” qu’on lui organise, mais ne se lasse pas de préciser à la fin de ses exposés élogieux qu’il n’était pas en train de faire campagne…
Le plus étonnant n’est donc pas dans l’initiative de distinction du président Bouteflika pour “ses efforts inlassables” en faveur de la promotion des droits de l’Homme par une commission qui, elle-même, ne se distingue pas par la défense de ces mêmes droits, et encore moins par son indépendance. La preuve en est qu’au moment où se déroulait la cérémonie, deux rassemblements, l’un organisé par le RAJ en faveur des libertés d’association et d’expression, l’autre par les parents de disparus pour la vérité et la justice, étaient réprimés. Non, le singulier de la situation est dans ce recours au détournement, l’air de rien, d’une occasion identifiée dans son objet et son contenu au profit d’une activité de campagne. Une occasion opportunément choisie parce qu’elle avait vocation à honorer le soixante-cinquième anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
La pénible question humaine des migrations mérite mieux que de voir une rencontre qui lui est dédiée servir de prétexte à une kermesse d’auto-encensement du régime. En fait, toute la coûteuse activité foraine, faite de séminaires, forums et conférences, parfois autour des thèmes les plus singuliers, ne vaut, aux yeux du pouvoir, que par les retombées promotionnelles qu’il en espère. Il serait intéressant de consolider et d’évaluer le budget de ces mondanités internationales qui se télescopent sans cesse dans les centres de conférences et hôtels de la capitale.
On ne sait si cette ferveur louangeuse est l’expression d’une stratégie de communication ou le fait d’une surenchère entre notables du régime en prévision de dividendes postélectoraux. Le résultat en est que tout le monde en dit et en fait trop, justement parce que le Président — ou candidat — ne fait rien et ne dit rien publiquement.
Dans cette entreprise de communication tous azimuts, les adeptes du régime semblent avoir perdu le sens de la méthode. Après avoir perdu le sens de la mesure.
 
Liberté