dimanche 1 décembre 2013

Mokrane Aït Larbi : “Pour 2014, les jeux sont faits”

Liberté : Nous sommes à quelque chose près de quatre mois de l’élection présidentielle d'avril prochain. Les candidats, les vrais, tardent à se manifester, sachant que, dans les grandes démocraties, les candidats sont généralement connus longtemps avant l'échéance. À votre avis, cette situation est-elle normale ? Pourquoi les vrais candidats hésitent-ils ?
Mokrane Aït Larbi : Il n’y a pas de comparaison possible entre les grandes démocraties dont vous parlez et l’Algérie. Dans ces démocraties, les élections se jouent entre deux grandes familles politiques et généralement entre deux personnalités. Le système dans ces pays permet aussi à des personnalités de se présenter pour faire avancer des idées au premier tour et lancer un appel en faveur de l’un des deux candidats au deuxième tour. Les jeux sont clairs et le dernier mot revient au peuple souverain. En Algérie, il y a un candidat, accepté par le système, qui sera proclamé président, et quelques candidats sollicités par le pouvoir pour faire croire à une élection présidentielle pluraliste. Quant à ce que vous appelez les vrais candidats, chacun d’eux attend son tour pour être le candidat, donc le président. Il faut souligner que l’élection de 1999 a dérogé à cette règle par la candidature de personnalités charismatiques, telles que Taleb Ahmed Ibrahimi, Hocine Aït Ahmed, Mouloud Hamrouche et Abdelaziz Bouteflika, mais le retrait de tous les candidats a ouvert les portes du palais présidentiel à ce dernier.

Un groupe de personnalités et de partis viennent de signer un appel pour demander la mise en place d'une commission indépendante du gouvernement pour suivre le processus électoral dans ses différentes étapes. Appuyez-vous une telle revendication ? Le pouvoir peut-il y répondre favorablement ?
La préparation des élections par l’opposition commence le lendemain de l’élection précédente. Mais dans notre pays, on laisse la voie libre au pouvoir pendant cinq années et à quelques mois d’une échéance, on commence à enchaîner les déclarations, organiser des réunions et faire des propositions. Par ailleurs, je ne suis ni pour ni contre la mise en place d’une commission indépendante pour suivre les élections. Mais il faut rappeler qu’il y a eu des commissions dites indépendantes pour enquêter sur l’assassinat du président Mohamed Boudiaf et le Printemps noir et tout le monde a constaté “l’indépendance” de ces commissions. C’est une bonne chose de sortir d’un grand silence à la veille d’une élection pour exister, mais pour 2014, les jeux sont faits. Mieux vaut, pour les personnalités et les partis que vous citez, commencer à se préparer dès maintenant pour les législatives en cas de dissolution de l’Assemblée nationale après avril 2014, et pour l’élection présidentielle de 2019 que se focaliser sur une élection dont les résultats sont connus d’avance, et ce n’est qu’une continuité.

Le nouveau patron du FLN a appelé le président Bouteflika à procéder “rapidement” à la révision de la Constitution. Cette révision est-elle politiquement et moralement envisageable à quelques mois de la présidentielle, sachant qu’on ne change pas les régles du jeu au moment de débuter la partie ?
Le problème ne réside pas dans la révision de la Constitution avant ou après avril 2014, mais dans le système électoral qui impose par tous les moyens le candidat du système et qui ne laisse aucune chance à l’alternance. La Constitution actuelle permet au président de la République de proposer des amendements en fonction de sa conception et de sa volonté en dehors de tout débat public ou parlementaire. La révision de la Constitution est une question secondaire.
Liberté