mardi 7 janvier 2014

INTERROGATIONS ET ENJEUX DE LA PRÉSIDENTIELLE D'AVRIL 2014 : Une question d'hommes!

A trois mois du scrutin présidentiel, où sont donc les candidats?
Le champ politique algérien demeure dans l'expectative, chacun attendant que l'autre se déclare. Des noms circulent certes, peu probables cependant, sinon peu crédibles, tant que ceux auxquels on prête de telles ambitions nationales ne se soient pas eux-mêmes déclarés.
A la veille d'une échéance dont l'importance n'est pas à souligner, qu'est -ce qu'une élection présidentielle? Un vide sidéral plane sur la scène politique nationale. Et ce sont les médias, analystes et «experts» qui comblent un tant soit peu cette vacuité de l'espace politique algérien. Cependant, l'absence de réactivité des potentiels postulants au scrutin présidentiel d'avril prochain, ne signifie pas que forcément tous les candidats à la candidature soient de «faux jetons». Certains se sont déjà lancés sans filets dans une campagne préélectorale dans l'espoir de se voir agréer et tenter leur chance dans la course au palais d'El Mouradia. Dans ce contexte, des candidats portant la double nationalité se sont fait connaître, chacun promettant de faire table rase pour construire une «nouvelle République». Certes, nous n'aborderons pas cependant, du moins dans ce texte, cette particularité, la double nationalité, qui rend inéligibles les postulants à la magistrature suprême du pays. Notons toutefois que pour être éligible à la présidence de la République, le candidat doit, notamment selon l'article 73 de la Constitution, jouir uniquement de la nationalité algérienne d'origine. Cela étant, il est patent que l'Algérie stagne et n'arrive pas à dépasser les contingences qui l'ont fixée dans une situation d'où elle gagnerait à en sortir alors que des problèmes urgents se posent au pays. Donc, à quelques semaines de la présidentielle, peu de candidats à la candidature - si l'on excepte les postulants «transnationaux» - se sont jusqu'ici déclarés ou fait connaître pour la succession du président sortant. Cela, de fait, délégitime un processus aussi solennel que l'élection du chef de la magistrature suprême du pays. Ces postulants en puissance auraient dû émerger de la manière la plus naturelle s'il existait effectivement un espace politique, animé par des hommes politiques conscients du rôle qu'ils ont à jouer au niveau de l'Etat - et à faire jouer à leur partisans - qui auront su se rallier une vraie classe politique qui met et sait mettre l'intérêt de la Nation avant toute chose. C'est-à-dire des «hommes d'Etat», produits d'un champ politique «normalisé», qui participent à la conduite des destinées d'un peuple et d'un Etat. C'est dans ce contexte que nous avons toujours eu, avant que d'avoir à relever ses tares, à déplorer l'absence de cette espèce décidément très rare en Algérie, l'Homo politicus.

Une espèce rare: l'Homo politicus
C'est-à-dire l'homme politique qui n'est pas dans le champ du pouvoir, mais agit en contre-pouvoir, ne serait-ce que dans la perspective de se donner une visibilité politique. Or, les «politiciens» actuels, n'ont pas su se transcender, dépasser les calculs mesquins pour voir plus loin, plus haut. En termes plus explicites, intervenir en temps réel pour tout ce qui touche à la vie politique, sociale, économique, industrielle, culturelle, environnementale du pays. Le silence de nos soi-disant hommes politiques est inconcevable en relation avec les problèmes sociaux que vivent les Algériens. Où étaient-ils ces derniers jours, quand ils ont observé un étrange mutisme concernant les événements qui ont marqué Ghardaïa et sa région? Comment prétendre faire de la «politique», avoir la patrie au coeur, lorsque l'on s'abstient d'avoir une opinion sur les faits qui marquent les villes, villages et régions de l'Algérie? Condamner ou apporter le soutien, là n'est pas le problème, mais dans le fait de ne point réagir, maintenir un silence inadmissible, puisque observé alors qu'il fallait s'exprimer pour affirmer cette présence politique plutôt que de laisser les forces de sécurité et les autorités publiques seules face à la détérioration de la situation. Ne serait-ce que pour prévenir la fitna! Ce n'est là qu'un exemple du lien qui doit, aurait dû exister entre la politique et des hommes qui ont fait de celle-ci leur métier. Or, voici des hommes qui ont démissionné devant les événements, qui ont préféré regarder ailleurs, quand il leur fallait réagir et agir en hommes politiques conscients de leur rôle dans la société et sa guidance. Ni les députés, ni les partis politiques, ni la société civile - mis à part quelques échos épars ici et là - n'ont jugé «politiquement correct» d'y mettre leur grain de sel. Ainsi, ils ne réalisent pas les retombées que peuvent avoir des événements - souvent dus à des problèmes réels, non pris en charge par les autorités publiques - qui affectent, ou affecteront, gravement les équilibres économiques, sociaux et identitaires de notre pays. Nous en avons l'exemple dans la crise de la Kabylie toujours, de fait, non résolue et qui perdure depuis près de trois décennies. Il y a donc un décalage entre les faits et les réactions des hommes qui se disent «politiques» mais de fait absents du terrain «politique». Et c'est ce terrain qui détermine et qualifie un homme politique. Aussi, gérer le pays et les hommes n'est pas donné, dès lors que l'on fait montre d'une méconnaissance aussi inimaginable des réalités du pays que l'on veut administrer. De plus, comment prétendre gérer un pays en ignorant les aspirations de son peuple? Souvent l'on se focalise sur ce qui est visible et est, incontestablement, porteur - surtout en période électorale - tout en faisant l'impasse sur les vrais problèmes qui paralysent le développement et suscitent la colère, voire les émeutes des citoyens, plus particulièrement de la jeunesse. La harga, le chômage, la montée de la délinquance, la drogue qui inonde nos lycées et nos universités, ont des raisons que les hommes de pouvoir et ladite «opposition» préfèrent ignorer plutôt que de tenter de les comprendre pour leur trouver une (des) solution (s). En se tenant à l'écart et/ou en ignorant les problèmes que vivent les citoyens les laissant seuls face aux autorités publiques - lorsqu'elles ne répriment pas, celles-ci ont tendance à pousser au pourrissement de la situation - les hommes politiques et les partis politiques font faux bond à leur raison d'être.

Entre l'accessoire et l'essentiel
Aussi, qu'est-ce qui est le plus important en cette période préélectorale, la (énième) révision de la Constitution, ou donner des réponses et faire des propositions de solutions aux problèmes auxquels sont confrontée les catégories sociales? C'est pourtant à quoi s'amuse le dirigeant du parti majoritaire du pays, le FLN, Amar Saâdani, qui disait encore, il y a quelques jours, que la Constitution pourrait être «amendée» en une journée. Il s'agit de quoi en fait? Pourquoi réviser à tout bout de champ un texte qui se voulait solennel et constitutif de la société algérienne? Quelle solennité peut être accordée à une Constitution que l'on triture ponctuellement pour les besoins d'une cause? Et d'abord, c'est quoi une Constitution? C'est une loi - pas seulement celle qui détermine le nombre de mandats à la magistrature suprême - qui organise la société dans ses diversités - a fortiori, une société aussi plurielle que la nôtre - et apporte des réponses singulièrement aux questions d'identité. Ce que, d'ailleurs, la présente loi fondamentale ne fait pas suffisamment et de manière claire et aussi convaincante que cela aurait été souhaité. Or, l'identité d'une nation, la façon de vivre ensemble, se décline, doit se décliner, dans tous les programmes politiques publics. Elle s'incarne au plus haut sommet de l'Etat et ne saurait se confondre avec une question de clan ou de tribu En fait, la République - ce que prône la Constitution - doit rassembler et non point dresser les citoyens les uns contre les autres. Dès lors, l'identité algérienne demeure-t-elle floue pour nombre de citoyens qui désormais - se positionnent en tant qu'«Arabes», «Kabyles» «Chaouis» «Targuis», «Mozabites»... Ne sommes-nous pas là, en train d'implanter le germe de la division? Or, le constat est là: «l'algérianité» qui doit, devait, être le ciment de la Nation algérienne, est diluée dans «l'arabité» et une sorte de résurrection du clanisme et du tribalisme, alors que le pays est riche de ses différences qui font sa spécificité. Chacune de ces «spécificités» ne sont pas, ne font pas l'identité algérienne, car il n'y a pas une identité «arabe», kabyle, «chaouie», mozabite» ou «targuie», mais c'est ensemble qu'elles forment l'identité algérienne dont le fond et la quintessence sont arabes, kabyles, chaouis, mozabites et targuis qui fondent et donnent tout son sens à l'identité nationale algérienne. Bien sûr, nous nous devons de comprendre la Constitution dans sa construction historique et dans sa maturité, l'honorer et l'admettre. C'est donc, l'ignorance par les pouvoirs publics de ces «spécificités» propres à l'Algérie - que reflète partiellement l'actuelle loi fondamentale, que sont les ascendances amazighes de la population algérienne - qui ont déclenché une sorte d'incompréhension, sinon le clash, entre le pouvoir politique et plusieurs régions du pays. Aussi, si amendement de la loi fondamentale, il y a, c'est par là qu'il faut commencer! Il ne faut pas, en effet se leurrer quant à la réalité des faits. Aussi, nous aurions été très attentifs aux propositions qu'aurait faites le responsable du FLN pour rectifier ces manques relevées dans la loi fondamentale, aux fins d'affermir l'identité nationale et de rassembler les Algériens.
Un homme politique qui ne prend pas en compte ces faits ou, plus grave, en ignore la réalité, ne peut prétendre à diriger l'Algérie. Il faut donc poser le problème dans sa globalité. Un candidat a déclaré qu'il veut instaurer une «nouvelle» République. Certes! Mais quelle République? Ira-t-il jusqu'à mettre à plat tous les problèmes qui minent le pays depuis l'indépendance et avoir le courage de les énoncer formellement? Qu'en pensent les Algériens? Voilà, en tout état de cause, une question qui mériterait de leur être directement posée. Tant il est vrai que dans un Etat républicain - du moins qui se présente comme tel - c'est au peuple que revient le dernier mot et c'est au peuple qu'il appartient de trancher sur des questions qui engagent directement son devenir. Nous ne sommes certes pas dans une Constitution jeffersonienne, mais l'espoir est-il permis? C'est précisément le cas pour la Constitution du pays, révisée ces dernières années en petit comité et en l'absence du peuple au nom duquel toutes les décisions sont pourtant prises. Cela pour dire que les hommes politiques du pays - existent-ils? - ne jouent pas franc jeu. Or, en politique, il n'y a pas d'impondérables, seul le terrain départage les plus méritants des flagorneurs et des laudateurs. Dans la mesure où le choix lui est permis, le peuple choisit un homme qui incarne la nation, qui porte les intérêts du pays et qui est garant des institutions. En effet, le problème n'est guère simple et, faut-il le souligner, le choix des hommes étant très limité. La preuve? Ils ne s'enpressent pas et les «moins-disants» d'entre eux attendent de voir d'où soufflera le vent. Ce qui n'est guère politique. L'Algérie n'a pas besoin d'idéologie, en revanche, il y a pour elle l'exigence et l'urgence de lutte contre les inégalités, qui sont économiques et sociales, par le redressement d'une Ecole nationale en ruine, la reconstruction d'une industrie découragée, la revalorisation d'une agriculture incapable de répondre aux besoins de quarante millions d'Algériens. Aussi, prendre les destinées de l'Algére n'est ni une sinécure ni un pis-aller, mais un défi à relever qui ne peut échoir qu'à des personnes à stature «d'homme d'Etat». Ces hommes existent-ils? Dans l'affirmative, qu'ils se fassent connaître!

L'expression