mardi 25 mars 2014

Mécanismes de contrôle de la campagne électorale : Les candidats respecteront-ils les nouvelles règles ?

La course à la magistrature suprême sera-t-elle à la hauteur de l’évènement ou connaîtra-t-elle le même parcours que les élections communales où le respect des règles passe souvent au second plan ? Cette question digne d’intérêt vient en tout cas se poser au moment où de nouveaux textes législatifs sont venus enrichir ce volet qui a été longuement expliqué par Me Mohamed Fadene, juriste, ex-député et ex-membre du Conseil constitutionnel, au centre de presse du quotidien El Moudjahid sous le thème “Les mécanismes de contrôle de la campagne électorale”.
Les amendements introduits par rapport à l’ancienne loi se rapportent d’abord à l’augmentation du montant des frais octroyés aux candidats passant de 1,5 milliard à 6 milliards de centimes, montant jugé par le conférencier insuffisant pour répondre aux besoins d’une campagne de trois semaines de déplacements, hébergement, restauration et autres exigences, même si le problème de financement ne se pose pas de la même façon pour tous les candidats. “Le législateur avait peut-être au départ de bonnes intentions car dans le fond l’idée était de mettre tous les candidats sur le même pied d’égalité”, dira le conférencier, avant de préciser une nuance de taille : les candidats, contrairement à l’ancienne législation, n’auront pas le moindre sou avant la fin de la campagne et seulement lorsque le Conseil constitutionnel aura avalisé les résultats.
Mais toujours est-il, les candidats toucheront un pactole en fonction des résultats annoncés classés en trois paliers. Le premier prévoit 600 millions de centimes pour un résultat inférieur à 10%, le deuxième accorde 1,2 milliard pour un résultat compris entre 10 et 20% et enfin 1,8 milliard de centimes pour ceux qui auront dépassé 20%. Les candidats sont tenus de rester dans le respect de cette cagnotte, faute de quoi ils ne seront pas dédommagés. En d’autres termes, le plafond de 6 milliards de centimes ne doit pas être dépassé.
Le deuxième amendement concerne le sondage d’opinion, volet jugé par le conférencier comme nageant dans le flou. “Alors que la nouvelle réglementation introduit l’interdiction à tout candidat de faire un sondage d’opinion sur son rival, l’on constate qu’il n’existe pas de loi réglementant ce volet”, précise le conférencier.
Révision juridique des prérogatives de la commission des élections, ainsi que celle liée à la supervision des élections (commission indépendante ne recevant d’instructions d’aucune partie mais ayant force de loi et peut même en cas de dépassement constaté faire appel à la force publique) font également partie des nouvelles dispositions introduites dans l’amendement de la loi relative aux élections. Parallèlement, le juriste relève un certain nombre de contradictions dans cette réglementation, à l’exemple de l’utilisation des seules langues arabe et amazighe durant la campagne. “Il y a une contradiction frappante entre la loi et la réalité du terrain, l’article est mal à propos. Sinon, comment expliquer que les membres du Conseil constitutionnel s’expriment en français, alors qu’ils sont censés donner l’exemple ? Pourquoi m’obliger à ne pas le faire dans une autre langue, j’ai le droit de le faire même par des gestes, l’essentiel est de faire passer le message”, explique Me Fadene.
Autre remarque concernant le respect du programme du candidat : comment peut-on juger de ce volet lorsque le programme n’est pas déposé au niveau de la Cnisel ? s’interroge le conférencier. Et d’ajouter que le candidat est libre d’enrichir son programme durant la campagne. S’agissant des interdictions, il y a lieu de noter la publicité à caractère lucratif (commerciale), les mosquées qui doivent garder leur caractère religieux, les établissements scolaires, les universités, lycées, centres et autres organismes de formation.
À noter enfin que les nouvelles chaînes de télévision privées ne sont pas accrédités pour les passages des candidats, seules les tables rondes sont permises. Les candidats sont donc astreints à la télévision publique.
Comme on peut le constater, les nouvelles dispositions introduites dans la loi électorale constituent autant de contraintes pour les candidats, difficiles à respecter, faut-il le dire. La bataille sans merci qu’ils vont livrer autorisera-t-elle des dépassements, somme toute acquis depuis toujours ?

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