mardi 11 mars 2014

Oran : Un électrocardiogramme plat


Pour la plupart des Oranais, la priorité est ailleurs. Elle est dans l’urgence du quotidien, dans l’enfer de la survie et le laisser-aller des responsables locaux.
Évoquer une quelconque ferveur populaire à quelques jours du début de la campagne électorale, c’est comme commenter l’électrocardiogramme d’un mort tant le pouls des Oranais ne bat pas, ou si peu, pour la présidentielle du 17 avril. À Oran, particulièrement, où la chose politique n’est pas une priorité première en soi des habitants, le prochain scrutin fait office de non-événement, surtout depuis que Sellal a annoncé la candidature du Président sortant pour un 4e mandat. Bouteflika dépose son dossier au Conseil constitutionnel.
Pour la plupart des Oranais, la priorité est ailleurs. La sardine à 700 DA le kilogramme, la circulation qui devient algéroise et les vents qui n’en finissent plus de souffler sur une ville envahie par la saleté. La priorité est dans l’urgence du quotidien, dans l’enfer de la survie et le laisser-aller des responsables locaux. Pour les plus politisés, l’élection présidentielle a été vidée de toute sa substance avec la décision du chef de l’État de se représenter. La plupart des avis convergent vers un boycott massif du vote, comme c’est le cas souvent, mais cette fois-ci accompagné d’un sentiment partagé entre déception et désespoir. La température “électorale” de la rue oranaise reste pourtant froide, pour ne pas dire glaciale, et aucun événement politique ne semble pouvoir l’extirper de sa torpeur. Hormis le cercle restreint du microcosme partisan à un 4e mandat, des activistes “électroniques” farouches adversaires à un nouvel quinquennat, les débats sont souvent en aparté et les avis excluant toute publicité.
À Oran, on est loin des manifestations publiques d’Alger et on se contente d’assister en spectateurs à l’évolution des événements. Chacun, pourtant, ne se fait pas prier pour dire ce qu’il pense du scrutin et des candidats en lice. Bouteflika reste au centre de toutes les discussions et nombre d’Oranais ne comprennent pas sa décision de rempiler malgré son état de santé inquiétant. “J’avais vraiment l’intention d’aller voter pour choisir mon président, mais avec la présence de Bouteflika, je ferai l’impasse sur l’élection”, confie Nadjiba, la quarantaine, enseignante dans une université à l’ouest du pays. “Tout est joué d’avance”, ajoutera-t-elle, désabusée. Comme elle, ils sont légion à ne plus nourrir d’illusions, rattrapés par la tournure des événements, même si elle était quelque part prévisible. Pour Samir, cadre dans une entreprise privée à la périphérie de la ville d’Oran, “il est inconcevable pour ces gens de quitter le système”, allant jusqu’à remettre en cause la volonté personnelle de Bouteflika à vouloir se présenter. “Je pense que l’homme est usé par 15 ans d’exercice du pouvoir, d’autant plus diminué par sa maladie. Personnellement, j’ai l’impression qu’il est poussé par le clan pour préserver leurs intérêts”, expliquera-t-il.
Pour Hamid, fonctionnaire à la retraite, “le suspense n’a jamais été de mise tant les deals étaient pris entre toutes les parties influentes du système. Il n’y a pas de divergences au sommet de l’État, croyez en mon expérience”, dira-t-il. Le verbe est amer dans la bouche des Oranais et le constat implacable contre ceux qui concourent à pousser le pays vers le précipice. “De toute façon les jeux sont faits d’avance. Alors, pourquoi aller voter quand on sait que les urnes sont d’ores et déjà bourrées”, semble être le leitmotiv général à Oran.

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